OpenAI vs Google : la guerre des écosystèmes
- Par
Pollen
- Publié le
- 13/10/2025
- Temps de lecture
- 7min

En l’espace de quelques jours, OpenAI et Google ont clarifié deux visions opposées mais désormais frontales, de l’IA grand public et professionnelle. L’une part de l’usage pour bâtir une plateforme (consumer-in). L’autre part de l’entreprise pour standardiser l’IA à l’échelle (enterprise-out). Au coeur de cette nouvelle rivalité, la « couche agentique », l’OS qui orchestre et boucle des tâches de bout en bout et risque bien de révolutionner .
Open AI vs Google, deux stratégies un objectif partagé
L’offensive OpenAI : faire de ChatGPT un « app store conversationnel »
En octobre dernier, OpenAI annonçait ouvrir les “Apps in ChatGPT”: des applications (Booking, Canva, Spotify, Zillow, Figma, Expedia, Coursera) qui fonctionnent dans la conversation, avec un Apps SDK en préversion, un futur répertoire d’apps et un protocole de commerce agentique pour l’achat en un clic. Autrement dit : un navigateur, une boutique d’applis et un panier… sans jamais quitter le chat. Pour les développeurs, la promesse est claire : toucher plus de 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires, chiffre évoqué à DevDay 2025.
Avec cette nouvelle annonce, Sam Altman assoit son ambition de créer un nouvel iphone moment La distribution devient native : ChatGPT peut proposer l’app au bon moment, afficher une interface interactive (carte Zillow, lecteur Spotify, slide Canva) et enchaîner des actions dans un même fil. La découverte, l’usage et la conversion se compressent dans un seul espace, opérés par des agents.
La riposte Google : un « front door » unifié pour l’entreprise
De son côté Google lance Gemini Enterprise, présenté comme la porte d’entrée unique de l’IA au travail : une interface de chat pour chaque employé, reliée aux données de l’entreprise, aux outils quotidiens et à un écosystème d’agents validés. L’ambition : dépasser le gadget conversationnel et orchestrer des workflows réels sous gouvernance IT (sécurité, traçabilité, autorisations).
Surtout, Google pousse un levier décisif : le bundling. En 2025, l’accès à Gemini est inclus dans les offres Workspace standards, ramenant le coût type à 14 $ par utilisateur/mois (contre une addition proche de 32 $ auparavant avec l’add-on). Ce repositionnement convertit l’IA d’option premium en commodité par défaut et renforce la rétention de l’écosystème Workspace.
Côté capacités « agentiques », Google publie le modèle Gemini 2.5 Computer Use : des agents capables de piloter une interface (cliquer, saisir, naviguer) pour accomplir une tâche de bout en bout dans le navigateur — une pièce manquante pour automatiser des processus sans API dédiées.
Le signal faible devenu fort : l’image comme cheval de Troie
Dans l’imaginaire grand public, la bataille se voit aussi à travers l’image. Google a fait sensation avec Gemini 2.5 Flash Image “nano-banana” : génération et édition d’images de haute qualité, mélange multi-sources, cohérence de personnage et latence réduite, disponibles via API/Vertex. Ce saut de qualité alimente l’usage (et donc l’acquisition) dans l’app Gemini et outille les cas marketing à forte valeur (création, personnalisation, retail).
Deux stratégies, deux économies
- OpenAI / Microsoft : “consumer-in”. Miser sur la distribution (base d’utilisateurs, surfaces mobiles & web) et convertir ChatGPT en plateforme d’apps avec monétisation intégrée. Le pari : capter l’intention et la transaction au plus près de la conversation, puis laisser l’écosystème construire des milliers de cas d’usage. OpenAI
- Google : “enterprise-out”. Capitaliser sur l’intégration (Workspace, Cloud, sécurité, conformité) et abaisser le coût marginal d’adoption par le bundling. Le pari : standardiser l’agent de travail et industrialiser des workflows sous contrôle DSI. Google Workspace+1
Dans les deux cas, l’avantage cumulatif se joue sur la couche agentique : la plateforme qui voit les données, agit dans les interfaces, mesure les outcomes et paie/encaisse in-app prend de l’avance.
D’où l’autre front de la guerre : l’infrastructure. OpenAI sécurise des partenaires pour concevoir et déployer des puces dédiées (avec Broadcom), en complément de ses accords existants, un indicateur que la bataille se gagne aussi par les gigawatts et la puissance de modèles de calcul.
Conséquences pour le marketing et le commerce
- Trafic : de “site-centric” à “in-platform”. La séquence Prompt → App → Action remplace une partie du SEO/SEA. Les marques devront optimiser la découvrabilité dans les répertoires d’apps d’IA, travailler des prompts officiels et des connecteurs plutôt que la seule SERP. Si les moteurs de recherches traditionnels comme Google restent largement plébiscités, la part de traffic capté par les IA génératives ne cesse d’augmenter et un Français sur trois (32%) se tourne désormais d’abord vers une IA pour obtenir une réponse factuelle rapide.
- Rétention : l’expérience se concentre progressivement dans les ecosystèmes. Avec plus d’actions terminées sans sortie vers les sites web référents, il faut mesurer l’action in-app (événements server-side, attribution révisée) et renégocier la place des formats sponsorisés dans les conversations.
- Commerce : vers l’agentic checkout ? Les premiers standards pour des paiements dans ChatGPT se précisent (Agentic Commerce Protocol), ce qui déplacera budgets et modèles d’affiliation.
- Gouvernance : promesse et vigilance. L’intégration native (Workspace) rassure sur la conformité, mais la surface d’attaque s’élargit ; des travaux récents illustrent des vecteurs potentiels via l’interface. Les directions sécurité devront accélérer l’hygiène agentique (permissions fines, sandbox, supervision).
Ce qu’il faut regarder dans les 12 prochains mois
- Adoption côté utilisateurs : si les apps ChatGPT prennent, les parcours transactionnels se déplaceront réellement dans le chat (voyage, billetterie, micro-achats).
- Adoption côté entreprises : si Gemini Enterprise convertit le parc Workspace grâce au bundling, la normalisation des agents métier suivra.
- Régulation : bundle vs gatekeeping des stores ; l’arbitrage des autorités conditionnera une part des rentes.
- Coût et latence : la performance temps réel (computer use, image, voix) déterminera les cas d’usage viables à grande échelle. blog.google
Un enjeu d’intention et de transaction
Le navigateur s’efface progressivement derrière la conversation et l’app store se déplace dans l’agent. OpenAI et Google ne livrent pas qu’une bataille de fonctionnalités : ils disputent l’interface et la chaîne de valeur. Pour les marques, l’agenda est immédiat : concevoir des use cases in-platform, instrumenter la mesure et tester des parcours agentiques là où l’attention, et bientôt la transaction, se tiennent.
Le comparatif Google AI vs ChatGPT en bref :
Axe | OpenAI (ChatGPT + Apps in ChatGPT) | Google (Gemini – Workspace & Gemini Enterprise) |
Pricing (plans publics) | Free / Plus / Pro / Business / Enterprise (par utilisateur/mois). Plus annoncé à 23€/mois pour usage intensif ; Business & Enterprise sur devis. (OpenAI) | Gemini inclus dans Google Workspace (plans simplifiés) — ex. Business Standard “avec Gemini” ≈ 14 $/util/mois ; offres Gemini Enterprise au-dessus. (Google Workspace) |
Consommation (indicative / requête texte) | ≈ 0,34 Wh par requête (chiffre communiqué par Sam Altman). NB : varie selon tâche / multimodal. (The Verge) | ≈ 0,24 Wh médian par prompt Gemini Apps (méthodo Google). NB : chiffres discutés par des chercheurs. (Google Cloud) |
Fonctionnalités-clé | Apps in ChatGPT (App Store conversationnel) + Apps SDK ; parcours Prompt → App → Action dans le chat (UI interactives intégrées). (OpenAI) | Gemini 2.5 Computer Use (contrôle du navigateur/UI) ; Front door IA pour chaque employé (chat unifié, gouvernance, intégrations). (blog.google) |
Cas d’usage phares | Expériences in-platform grand public : création (Canva), voyage (Booking/Expedia), musique (Spotify), maquette (Figma), recherche immobilière (Zillow)… Conversion in-chat. (OpenAI) | Productivité & workflows en entreprise : résumé docs, génération/structuration contenus internes, automatisation de tâches multi-étapes via Computer Use, rattachement aux données métier. (Google Cloud) |
Outils / partenaires | Partenaires pilotes disponibles : Booking.com, Canva, Coursera, Expedia, Figma, Spotify, Zillow (autres à venir). (OpenAI Help Center) | Écosystème Workspace/Cloud + connecteurs et marketplace Google Cloud ; orientation SaaS entreprise (Salesforce, SAP, ServiceNow, etc. via intégrations). (Google Cloud) |
Utilisateur cible | Marketing / produit / e-commerce / créa qui veulent capter l’intention et convertir sans sortie du chat ; équipes qui testent de nouvelles surfaces de distribution. (OpenAI) | DSI / métiers / équipes transverses qui cherchent une normalisation à l’échelle sous gouvernance (SSO, rôles/droits, journaux, data regions). (Google Cloud) |
Avantages | Distribution massive + UX très courte (découverte → action) ; monétisation in-app potentielle ; vitesse d’itération produit. (OpenAI) | Intégration native aux outils de travail, bundling (coût marginal faible), posture sécurité/conformité enterprise-grade, Computer Use performant. (Google Workspace) |
Limites / points de vigilance | Disponibilité UE des apps en déploiement progressif ; besoin de preuves “enterprise-grade” sur certains périmètres (gouvernance profonde). (OpenAI) | Méthodologie d’impact énergie/eau contestée par des experts ; hétérogénéité des intégrations tierces ; adoption liée aux cycles IT. (The Verge) |
En bref | OpenAI transforme ChatGPT en plateforme d’apps conversationnelles pour capter usage et transaction dans l’interface. (OpenAI) | Google standardise l’IA à l’échelle de l’entreprise via Workspace/Cloud et des agents capables d’opérer des UIs. (Google Cloud) |
Google vs ChatGPT, les questions qu’on nous pose souvent
1. Est ce que Apps in ChatGPT est inclus dans l'abonnement ChatGPT ?
Oui, Apps in ChatGPT est inclus (pas d’add-on payant) pour les comptes individuels là où la fonctionnalité est disponible. OpenAI indique que les apps sont accessibles aux utilisateurs Free, Go, Plus et Pro connectés hors EEE/CH/UK.
À noter pour l’Europe (dont la France) : le déploiement n’est pas encore actif pour des raisons RGPD ; OpenAI parle d’une arrivée “bientôt”.
Côté entreprises : les apps sont annoncées pour ChatGPT Business, Enterprise et Edu “plus tard cette année” (pas encore généralisé).
2. Quelle est la meilleure IA : Google (Gemini) ou ChatGPT ?
Ni “mieux” ni “pire” en absolu :
- Google vise l’entreprise : IA incluse dans Workspace, gouvernance/SSO, intégrations SaaS et agents pour des workflows complets. Idéal quand la DSI veut standardiser l’usage rapidement.
- OpenAI/ChatGPT vise l’interface utilisateur : Apps in ChatGPT → un “app store conversationnel” où l’on passe de la requête à l’action sans quitter le chat. Idéal pour capter l’intention et convertir in-platform.
3. Qui consomme le plus entre Google AI et ChatGPT ?
Par requête texte : Google indique une consommation d’environ 0,24 Wh par prompt sur Gemini (médiane). OpenAI (Sam Altman) évoque environ 0,34 Wh par requête ChatGPT sans pour autant publier d’étude officielles à ce sujet. Légère avance à Google sur le plan de la consommation donc, en l’état des méthodes publiées.
4. Combien ça coûte, concrètement ?
- Workspace avec Gemini inclus : Google a intégré Gemini aux plans Workspace et cite un repère de 14 $/utilisateur/mois (ex-Business Standard “avec Gemini” vs ancien add-on). Des offres Gemini Enterprise existent au-dessus.
- ChatGPT : Free/Go/Plus/Pro pour l’individuel. Si la version free est accessible gratuitement, il faudra payer 23€ par mois pour la version plus et 229€ par mois pour la fonctionnalité pro. Il existe également une fonctionnalité Business pour les équipes.
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